mardi 18 octobre 2011

de la Guerre




suite du texte précédent...

Au fil des années, dans une espèce de répétition grotesque, nous avons vu, lu, écrit, parlementé à propos d'innombrables conflits armés qui ont eu lieu dans le monde. Parfois dans des coins reculés qu'on ne connaissait à peine.

En peuples « civilisés » nous n'avons pas encore réussi à mettre fin à cette éternelle répétition, la tragédie humaine qui consiste à s'entre-tuer constamment et abondamment. Voilà ce qui m'intrigue et bien évidemment je suis sûre de ne pas être la seule.

Et voilà que je me retrouve au Québec très loin de toutes ses considérations, en quête d'un peu de facilité et de repos. J'entends sur Radio Canada une critique à propos d'une exposition du genre « indispensable ». Encore une. Je note le nom de la galerie sur un bout de papier, convaincue que je le perdrai aussitôt (comme on s'attend à une fatalité). Le voyage se poursuit comme il se doit et
quelques miles plus tard, je l'ai toujours sur moi.

Une fois à Montréal, après une période assez nature & découverte, reposés et sereins, on décide de reprendre les choses en main, il est temps de se remettre dans le mouv', intellectuel. En plus le bout de papier a résisté aux moustiques, aux ours, au vent et surtout aux beuveries d'été...

C'est là ou j'espère pouvoir justifier une telle digression dans mon histoire.

Berlynde de Bruyckere doit être l'artiste qui m'a le plus marqué depuis très longtemps. Cependant, même si l'occasion m'était donnée, j’hésiterais à la rencontrer. Son univers est puissant et sombre (dans la même proportion). Elle crée des formes qui racontent la souffrance physique, l'abandon, l'humiliation. L'être désemparé et nu. On imagine bien, de manière un peu brumeuse, la fragilité après avoir vécu le pire des massacres.
Voilà le génie et la force de son œuvre. Impossible, en tant qu'être humain, de rester indifférent à ce qu'elle raconte.

Il s'agit là de sculptures d'origine humaine, animale ou végétale. L'artiste se sert de cire, de résine, de laine, de bois, de fer, de peau de cheval et de la crinière de ce dernier. Tout est organique, mais dans un état de déchéance. Elle arrive a transformer des images qui pourraient en effet ne provoquer qu'un sentiment de répulsion en quelque chose d’extrêmement poétique (allez savoir comment).

Comme par exemple, l’œuvre Les Deux. Deux chevaux sont suspendus à un échafaudage. Ils sont très beaux, musclés, virils, disposés l'un au-dessus de l'autre. Sur leur peau, qui brille et qui prouve la majesté de cet animal, il y a néanmoins des coutures visibles, un peu comme la créature du Docteur Frankestein. Ils sont aveugles, et n'ont pas de sabots. Vulnérables et exposés, et pourtant si puissants. Sont-ils vivants ou morts ?

Il y a aussi des figures contorsionnées qui nous font penser à ceux qui ont subi la torture, l’agression, la guerre. Là on atteint presque l’insupportable, car on a vraiment l'impression que ces morceaux sont encore en vie.

L’œuvre de Berlinde de Bruyckere reste dans l'imaginaire comme une cicatrice que l'on portera pour toujours. Elle nous enlève toute possibilité d'être d'accord avec l'idée de la guerre et de la justifier. Elle est donc indispensable.

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