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Au fil des années,
dans une espèce de répétition grotesque, nous avons vu, lu, écrit,
parlementé à propos d'innombrables conflits armés qui ont eu lieu
dans le monde. Parfois dans des coins reculés qu'on ne connaissait à
peine.
En peuples
« civilisés » nous n'avons pas encore réussi à mettre
fin à cette éternelle répétition, la tragédie humaine qui
consiste à s'entre-tuer constamment et abondamment. Voilà ce qui
m'intrigue et bien évidemment je suis sûre de ne pas être la
seule.
Et voilà que je me
retrouve au Québec très loin de toutes ses considérations, en
quête d'un peu de facilité et de repos. J'entends sur Radio Canada
une critique à propos d'une exposition du genre « indispensable ».
Encore une. Je note le nom de la galerie sur un bout de papier,
convaincue que je le perdrai aussitôt (comme on s'attend à une
fatalité). Le voyage se poursuit comme il se doit et
quelques miles plus
tard, je l'ai toujours sur moi.
Une fois à
Montréal, après une période assez nature & découverte,
reposés et sereins, on décide de reprendre les choses en main, il
est temps de se remettre dans le mouv', intellectuel. En plus le bout
de papier a résisté aux moustiques, aux ours, au vent et surtout
aux beuveries d'été...
C'est là ou
j'espère pouvoir justifier une telle digression dans mon histoire.
Berlynde de
Bruyckere doit être l'artiste qui m'a le plus marqué depuis très
longtemps. Cependant, même si l'occasion m'était donnée,
j’hésiterais à la rencontrer. Son univers est puissant et sombre
(dans la même proportion). Elle crée des formes qui racontent la
souffrance physique, l'abandon, l'humiliation. L'être désemparé et
nu. On imagine bien, de manière un peu brumeuse, la fragilité après
avoir vécu le pire des massacres.
Voilà le génie et
la force de son œuvre. Impossible, en tant qu'être humain, de
rester indifférent à ce qu'elle raconte.
Il s'agit là de
sculptures d'origine humaine, animale ou végétale. L'artiste se
sert de cire, de résine, de laine, de bois, de fer, de peau de
cheval et de la crinière de ce dernier. Tout est organique, mais
dans un état de déchéance. Elle arrive a transformer des images
qui pourraient en effet ne provoquer qu'un sentiment de répulsion en
quelque chose d’extrêmement poétique (allez savoir comment).
Comme par exemple,
l’œuvre Les Deux. Deux chevaux sont suspendus à un
échafaudage. Ils sont très beaux, musclés, virils, disposés l'un
au-dessus de l'autre. Sur leur peau, qui brille et qui prouve la
majesté de cet animal, il y a néanmoins des coutures visibles, un
peu comme la créature du Docteur Frankestein. Ils sont aveugles, et
n'ont pas de sabots. Vulnérables et exposés, et pourtant si
puissants. Sont-ils vivants ou morts ?
Il y a aussi des
figures contorsionnées qui nous font penser à ceux qui ont subi la
torture, l’agression, la guerre. Là on atteint presque
l’insupportable, car on a vraiment l'impression que ces morceaux
sont encore en vie.
L’œuvre de
Berlinde de Bruyckere reste dans l'imaginaire comme une cicatrice
que l'on portera pour toujours. Elle nous enlève toute possibilité
d'être d'accord avec l'idée de la guerre et de la justifier. Elle
est donc indispensable.
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