La semaine dernière, j'ai
interviewé un jeune graffeur chinois qui expose pour la première
fois. La veille je me suis rendue au vernissage et le fait que l'art
urbain ne soit pas toujours ma tasse de thé ne m'a pas empêché de
savourer le style, les couleurs et le tracé proposé par l'artiste.
Dans ce genre de soirée,
c'est connu, on frôle souvent l'ennui et les conversations bancales.
Heureusement la galerie d'art en question propose un menu
composé de trois éléments : bon accueil, des artistes
intéressants et un excellent champagne!
Je me suis donc prêtée
pendant ladite soirée à des jeux imaginaires. Ainsi, dans mon
dialogue intérieur, je me disais que j'étais peut être témoin de la genèse d'un graffeur- peinte particulièrement doué.
Et dans quelques années on dirait de cette première expo qu'elle
était un moment décisif dans son parcours. Je me disais aussi que
c'était le moment d'acheter l'une des ses toiles géantes qui m'ont
tant plue, car dans quelques temps ça pourrait devenir complètement
inaccessible à de simples mortelles comme moi. L'art contemporain on
le sait, est imprévisible et son marché n'a aucun sens.
Et comme avec du bon
champagne l'imaginaire se laisse aller, je pensais au personnage du
livre « La carte et le territoire » de Michel
Houellebecq. Ce jeune peintre doué qui m'avait tellement émue et
choquée par l'impossible équation entre extrême sensibilité et
totale indifférence à la vie, un homme qui n'était habité par
rien d'autre que son talent. Troublant.
Le jeune graffeur que
j'avais devant moi, à contrario était sacrément habité. Serait-ce
l’enthousiasme habituel qui accompagne les débuts ? La
certitude que le travail paye ? Le sentiment de revanche que
certainement portent les artistes ? Impossible de définir
l'origine d'une telle flamme, je sais simplement qu’elle était au
rendez vous et on reste pas indifférent a une telle force. Quel
vertu incroyable est l'enthousiasme. Il avait réussi a transporter
toute cette énergie vers ses toiles en la transformant en quelque
chose de palpable. Toutes ses élucubrations m'ont fait penser que
je vivais un grand moment d'échange avec une œuvre d'art.
Bien sûr,
le lendemain en me rendant à la galerie pour réaliser l'interview
je me sentais un cran moins emballé et presque avec tristesse je me
suis dit que ce sacré champagne m'avait bien eu. Mais dès le
moment où il s'est mis à me raconter son parcours j'ai à nouveau senti
la présence de cette flamme et, soulagée, je me suis dit que quand
même ce bref moment de grâce avait réellement eu lieu.
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