mardi 18 octobre 2011

de la Guerre




suite du texte précédent...

Au fil des années, dans une espèce de répétition grotesque, nous avons vu, lu, écrit, parlementé à propos d'innombrables conflits armés qui ont eu lieu dans le monde. Parfois dans des coins reculés qu'on ne connaissait à peine.

En peuples « civilisés » nous n'avons pas encore réussi à mettre fin à cette éternelle répétition, la tragédie humaine qui consiste à s'entre-tuer constamment et abondamment. Voilà ce qui m'intrigue et bien évidemment je suis sûre de ne pas être la seule.

Et voilà que je me retrouve au Québec très loin de toutes ses considérations, en quête d'un peu de facilité et de repos. J'entends sur Radio Canada une critique à propos d'une exposition du genre « indispensable ». Encore une. Je note le nom de la galerie sur un bout de papier, convaincue que je le perdrai aussitôt (comme on s'attend à une fatalité). Le voyage se poursuit comme il se doit et
quelques miles plus tard, je l'ai toujours sur moi.

Une fois à Montréal, après une période assez nature & découverte, reposés et sereins, on décide de reprendre les choses en main, il est temps de se remettre dans le mouv', intellectuel. En plus le bout de papier a résisté aux moustiques, aux ours, au vent et surtout aux beuveries d'été...

C'est là ou j'espère pouvoir justifier une telle digression dans mon histoire.

Berlynde de Bruyckere doit être l'artiste qui m'a le plus marqué depuis très longtemps. Cependant, même si l'occasion m'était donnée, j’hésiterais à la rencontrer. Son univers est puissant et sombre (dans la même proportion). Elle crée des formes qui racontent la souffrance physique, l'abandon, l'humiliation. L'être désemparé et nu. On imagine bien, de manière un peu brumeuse, la fragilité après avoir vécu le pire des massacres.
Voilà le génie et la force de son œuvre. Impossible, en tant qu'être humain, de rester indifférent à ce qu'elle raconte.

Il s'agit là de sculptures d'origine humaine, animale ou végétale. L'artiste se sert de cire, de résine, de laine, de bois, de fer, de peau de cheval et de la crinière de ce dernier. Tout est organique, mais dans un état de déchéance. Elle arrive a transformer des images qui pourraient en effet ne provoquer qu'un sentiment de répulsion en quelque chose d’extrêmement poétique (allez savoir comment).

Comme par exemple, l’œuvre Les Deux. Deux chevaux sont suspendus à un échafaudage. Ils sont très beaux, musclés, virils, disposés l'un au-dessus de l'autre. Sur leur peau, qui brille et qui prouve la majesté de cet animal, il y a néanmoins des coutures visibles, un peu comme la créature du Docteur Frankestein. Ils sont aveugles, et n'ont pas de sabots. Vulnérables et exposés, et pourtant si puissants. Sont-ils vivants ou morts ?

Il y a aussi des figures contorsionnées qui nous font penser à ceux qui ont subi la torture, l’agression, la guerre. Là on atteint presque l’insupportable, car on a vraiment l'impression que ces morceaux sont encore en vie.

L’œuvre de Berlinde de Bruyckere reste dans l'imaginaire comme une cicatrice que l'on portera pour toujours. Elle nous enlève toute possibilité d'être d'accord avec l'idée de la guerre et de la justifier. Elle est donc indispensable.

vendredi 14 octobre 2011

De la guerre



Quelle est la place de la Guerre dans l’imaginaire des gens ? De ceux qui l'ont vécue, et de ceux qui en ont seulement une connaissance intellectuelle ? 
 
Dans ma vie d'enfant, la guerre a été seulement un genre cinématographique. Car j'ai maté beaucoup de films de guerre. Non parce que j'étais cinéphile, mais parce qu'en rentrant du collège le midi, je regardais une émission qui s'appelle (et qui existe encore) « Séance de l'après-midi »
Le menu était composé de chef d’œuvres du cinéma américain des années 50 aux années 80. Ainsi, les enfants brésiliens de mon époque ont biberonné à la culture américaine en regardant de merveilleux films. 
Personnellement, ma mémoire a imprimé ceux de Doris Day, Jerry Lewis et Dean Martin, Jonh Wayne, Rock Husdon et James Dean dans Géant mais ceux dont je me souviens le plus ce sont Casablanca, La colline de l'adieu, Le pont de la rivière Kwai , Autant en emporte le vent et Docteur Jivago. 
Dans mes films préférés, la guerre était soit Le sujet du film, soit le décor. Je ne comprenais absolument pas les enjeux que cela suscitait, j’adhérais seulement au courage et à la bravoure des personnages. The good guys and the bad guys ! 
  
En étant brésilienne, les deux grandes guerres n'avaient eu aucune incidence dans ma vie où celle de ma famille. Pendant le cours d'histoire, on avait l'impression que toutes ses horreurs faisaient partie d'un passé révolu et à milliers de kilomètres de notre vie réelle. 
 
Plus tard, le moment venue de faire l'expérience de la guerre à travers la littérature, l'effet était l'inverse. « Si c'est un homme » de Primo Lévy m'a fait un choc dont je ne me suis plus jamais remise. Plus jamais, j'ai eu le toupet d'aborder la guerre de façon si légère. En revanche, le sujet continue à me fasciner.

À suivre...

mardi 11 octobre 2011

The Artist

 
 
La semaine dernière, j'ai interviewé un jeune graffeur chinois qui expose pour la première fois. La veille je me suis rendue au vernissage et le fait que l'art urbain ne soit pas toujours ma tasse de thé ne m'a pas empêché de savourer le style, les couleurs et le tracé proposé par l'artiste.

Dans ce genre de soirée, c'est connu, on frôle souvent l'ennui et les conversations bancales. Heureusement la galerie d'art en question propose un menu composé de trois éléments : bon accueil, des artistes intéressants et un excellent champagne!

Je me suis donc prêtée pendant ladite soirée à des jeux imaginaires. Ainsi, dans mon dialogue intérieur, je me disais que j'étais peut être témoin de la genèse d'un graffeur- peinte particulièrement doué. Et dans quelques années on dirait de cette première expo qu'elle était un moment décisif dans son parcours. Je me disais aussi que c'était le moment d'acheter l'une des ses toiles géantes qui m'ont tant plue, car dans quelques temps ça pourrait devenir complètement inaccessible à de simples mortelles comme moi. L'art contemporain on le sait, est imprévisible et son marché n'a aucun sens.

Et comme avec du bon champagne l'imaginaire se laisse aller, je pensais au personnage du livre « La carte et le territoire » de Michel Houellebecq. Ce jeune peintre doué qui m'avait tellement émue et choquée par l'impossible équation entre extrême sensibilité et totale indifférence à la vie, un homme qui n'était habité par rien d'autre que son talent. Troublant.

Le jeune graffeur que j'avais devant moi, à contrario était sacrément habité. Serait-ce l’enthousiasme habituel qui accompagne les débuts ? La certitude que le travail paye ? Le sentiment de revanche que certainement portent les artistes ? Impossible de définir l'origine d'une telle flamme, je sais simplement qu’elle était au rendez vous et on reste pas indifférent a une telle force. Quel vertu incroyable est l'enthousiasme. Il avait réussi a transporter toute cette énergie vers ses toiles en la transformant en quelque chose de palpable. Toutes ses élucubrations m'ont fait penser que je vivais un grand moment d'échange avec une œuvre d'art. 
 
Bien sûr, le lendemain en me rendant à la galerie pour réaliser l'interview je me sentais un cran moins emballé et presque avec tristesse je me suis dit que ce sacré champagne m'avait bien eu. Mais dès le moment où il s'est mis à me raconter son parcours j'ai à nouveau senti la présence de cette flamme et, soulagée, je me suis dit que quand même ce bref moment de grâce avait réellement eu lieu.

jeudi 6 octobre 2011

Virginie Despentes - Interview




Il y a deux ans, j'ai réalisé une interview pour le magazine Causette (numéro 5) avec l'écrivain Virginie Despentes. Je voudrais partager avec vous la version intégrale, sans les fameuses et parfois nécessaires coupures d'édition.

Virginie Despentes, vous considérez-vous une féministe et si oui, quelle sorte de féministe?
Je suis féministe, mais pas militante. Je manque d'enthousiasme et d'affection pour mon prochain pour faire de la politique.

Après quelques années de silence, certaines féministes américaines comme Gloria Steinem, ont repris la parole pour accuser la société américaine de machisme après l'échec d'Hillary Clinton. Selon Camille Paglia, intellectuelle considérée comme féministe pro-sexe, c'est le retour de la guerre des féministes. Croyez-vous qu'en France cette oppositions d'idées dans le débat féministe existe?
Je ne me suis pas tenue au courant des déclarations de Gloria Steinem, ni des commentaires de Camille Paglia. Accuser la société américaine de machisme ne me parait pas déplacé, quoi que l'échec de Clinton face à Obama n'en soit pas l'exemple le plus frappant, à cause du charisme d'Obama, trop supérieur à la moyenne - races et genres confondus.
En France, les discussions se sont enlisées sur la contraception et l'avortement. Aux États Unis, dans les années 80 et 90, les débats féministes ont porté aussi sur les questions de travail sexuel, de pornographie, de culture S/M, de critique des genres, etc. Ces thèmes ont divisé les féministes, sans compter les interventions fracassantes d'électrons libres type Paglia - qui n'est pas très emblématique du féminisme pro-sexe américain. En France, à ma connaissance, le grand débat récent qui a divisé les féministes, c'est le débat sur le voile.

Dans un passage de votre livre King Kong théorie vous dites: « il faut de toute façon que les femmes se sentent en échec. Quoi qu'elles entreprennent, on doit pouvoir démontrer qu'elles s'y sont mal prises. Il n'y a pas d'attitude correcte, on a forcement commis une erreur dans nos choix, on est tenu responsable d'une faillite qui est en réalité collective et mixte. Les armes contre notre genre sont spécifiques, mais la méthode s'applique aux hommes. » Pourquoi selon vous le système fonctionne encore de cette manière?
Parce qu'on fonctionne sur le mode " les lois doivent garantir une impunité maximale à ceux qui sont nés riches dans leur exploitation du travail ou des vies de ceux qui sont nés pauvres", et que pour le moment on n'en sort pas. Rien ne doit entraver la jouissance du dominant. de la même façon que rien ne doit entraver la brutalité de l'humain contre les espèces animales. La catégorie dominant se définit par son droit à écraser une autre catégorie. C'est pourquoi les hommes blancs geignent tellement en ce moment : ils trouvent qu'on ne leur facilite plus assez la tâche, et que c'est difficile dans ces conditions d'être un dominant.

Camille Paglia affirme que les femmes ont besoin d'apprendre des techniques d'expression et de présentation qui mélangent clarté, consistance et dignité. Elle dit que dans des pays comme le Japon, certains codes sociaux sont encore en vigueur et exigent de la femme un comportement cordiale, ce qui va inévitablement la marginaliser. Croyez-vous que nous pourrions dans ce cas là faire appel à la virilité qui nous appartient? Selon vous, quels sont pour les hommes les conséquences d'être coupés de leur féminité?
Je comprends ce que raconte Paglia : on connaît toutes des gourdes absurdes à qui on a envie de dire de se réveiller, un peu. Mais Paglia parle essentiellement d'une féminité blanche américaine de campus américain, c'est à dire des femmes jeunes et évoluant dans un milieu privilégié. C'est une petite part de la population féminine. On ne peut pas donner les mêmes conseils aux adolescentes de Veaulx en Velin, ni aux quinquagénaires des chèques postaux, ni aux gouines du marais, etc, etc. Et, à mon sens, les femmes dans l'ensemble font déjà bien assez d'effort pour essayer de supporter de vivre avec les hommes. ça serait bien que la réflexion circule, un peu, et que les mâles commencent à s'interroger sur leurs comportements, ne serait-ce que par ce qu'ils sont ridicules à défendre leurs petits privilèges de chefaillons, et qu'on aimerait bien voir ce que ça donnerait s'ils s'émancipaient un peu.

Après autant d'années de post-féminisme, les femmes continuent a vivre en conflit par rapport aux plusieurs rôles qu'elles jouent. Il y a une solution visible? Est ce toujours un dilemme d'aspirer à avoir des enfants et une carrière? La maternité dans cette affaire doit être pensé de façon généralisée, Où comme un questionnement individuelle?
La maternité peut difficilement être un questionnement individuel, à moins de vivre au fond d'une foret, très loin des villes et des villages. Il me semble qu'on entend peu les femmes-mères se plaindre de leur sort. Vu de l'extérieur, c'est très difficile à comprendre, mais elles semblent se satisfaire des choses telles qu'elles sont. Il n'y a pas de crèche, il n'y a pas de garde publique de soir ou de nuit pour celles qui ont des horaires décalés, les centres aérés sont chers et peu nombreux, les fournitures scolaires sont chères, il n'y a aucune alternative à la famille en cas de problèmes et le travail n'évolue pas en fonction des responsabilités familiales, au contraire. Il est évident que la maternité est un frein à l'ambition professionnelle, et il est évident que la maternité reste une voie royale vers la précarisation économique et sociale. La maternité est un pouvoir politique absolu, il est incompréhensible que les jeunes femmes ne se mettent jamais en grève du ventre pour réclamer le minimum de structures de gardes, de médecine, d'apprentissage et de nourriture qui sont dû aux enfants. Mais on n'entend jamais les jeunes femmes déclarer "on n'en met plus un seul au monde tant qu'il n'y a pas assez de crèches, ouvertes toute la nuit, on n'en met plus un seul au monde tant qu'il n'y a pas un prof pour vingt élèves dans tous les établissements". les femmes qui veulent se reproduire ont un pouvoir politique tellement énorme qu'on ne comprend pas bien pourquoi elles n'en usent jamais.

Pensez-vous que la femme a peur de s'émanciper totalement, que, pour elle, cela pourrait être synonyme de ne plus séduire? Ne plus avoir des comportements inscrits depuis des siècles dans notre ADN?
Oublier l'ADN : il n'y a pas aucun gêne de la putasserie. L'obsession crétinisante de la séduction féminine est une invention récente, qui va de pair avec la peur de l'impuissance masculine : "si je ne fais pas un gros effort, le pauvre n'arrivera jamais à bander". La sur-conscience de la séduction est une agressivité contre la virilité, une façon de continuer à les traiter en petits garçons qu'il faut aider pour tout faire, à qui il faut tout suggérer, à qui il faut refaire les lacets des chaussures, etc, et qui seraient bien incapables de sortir la stouquette ou de savoir quoi en faire si maman et ses grès gros nibards ne l'y aidaient pas en sur-signifiant qu'elle est d'accord.
Enfin, en tous cas, si la femme ne s'émancipe pas, ça m'étonnerait qu'on en trouve des traces dans son ADN....

l'État qui infantilise ses citoyens, en intervenant comme vous dites dans toutes nos décisions, pour notre bien, est le même qui infantilise les femmes. Mais comment cette infantilisation se produit exactement? Est-ce qu'on pourrait considérer qu'il y a un rapport entre cette quête de jeunesse permanente et parfois désespéré et l'infantilisation de la femme?
La quête de jeunesse permanente est de plus en plus unisexe. c'est une obsession morbide, et mixte. Ça reste plus difficile sur le plan du réel pour une femmes de vieillir que pour un homme - sur le marché du travail et de la séduction, mais je dirais que l'idée de vieillir - passer de mode - perdre l'autorité - mourir est devenue aussi insupportable pour les uns et les unes. Par exemple, les gens qui passent à la télé, on voit bien qu'ils se font tous shooter au botox, même quand leur boulot premier n'est pas du tout la séduction. Ça doit pouvoir aller avec l'infantilisation, au sens où on garde les gens - hommes et femmes - dans l'idée qu'ils sont protégés, qu'ils ont des droits, qu'on leur veut du bien, qu'ils sont entre de bonnes mains… et qu'ils n'ont pas trop d'effort à faire., surtout pas celui de s'autonomiser ou de confronter la réalité des grands.

Vous habitez à Barcelone, finalement le changement de décor culturel vous donne l'impression que les choses se passent autrement ailleurs?
Les choses se passent autrement, ailleurs, indéniablement. Par exemple, 40 ans de Franquisme ont évidemment une incidence sur le féminisme. Et la culture Flamenco produit des femmes plus torrides, brutales, en colère et grandes gueules que les icônes de haute couture parisienne. Heureusement que les choses se passent autrement, d'ailleurs !

mercredi 5 octobre 2011

Cher Journal



Cher journal,  
 
Bientôt quinze ans de vie commune! Sans aucun doute la cohabitation la plus longue et durable de ma vie. C'est fou quand même, non? De nos jours où les relations peuvent être si éphémères, si volatiles. Et moi en plus, je ne suis pas la meilleure cliente de ce type de relation. Vous me connaissez bien, vous savez que ma lucidité frôle parfois le nihilisme. Sinon, comment expliquer que je récite du Cioran par cœur, tous les jours, devant ma glace, histoire de rester bien éveillée dans ce beau monde?

Quinze ans de vie commune! Ça a commencé comme ça, une journée typique, banale. J'étais dans des toilettes, peu importe où, et là j'ai vécu l'expérience. Je parle mal anglais, mais là je me permets de dire THE EXPERIENCE. Foudroyante. Une crise de cystite aigüe, tenace, qui a décidé de s'installer dans ma vie, sans demander si cela me convenait, sans me poser de questions. Insistante, inexorable. Presque romantique. Oui, oui cher journal, j'essaye de me convaincre que chacun porte sa croix (cela prouve d'ailleurs que malgré ma lucidité légendaire je porte en moi un sacré héritage judéo-chrétien ).

Alors, la cystite serait-elle ma croix à moi? J'ai une peine à purger? Peut être que dans une vie précédente j'étais, je ne sais pas moi... un inquisiteur? Un seigneur féodal qui torturait ses vassaux? Une femme de mauvaise vie...hum. Je me le demande en tout cas. J'avoue être quelqu'un de relativement propre, malgré une insinuation fallacieuse de mon ex- gynécologue. Une drôle de dame celle-là, qui, avant même de statuer que je suis simplement victime d'une méchante bactérie suggère sans pudeur que la cystite serait probablement de ma faute. Comment ça de ma faute? Je prends une douche au moins une fois par jour. Suis obligée, j'ai les cheveux un peu gras, il me faut obligatoirement les laver tous les jours. Voilà la preuve.

Une autre gynécologue, largement plus pédagogue, m'a expliqué que la probabilité d'une infection urinaire chez les messieurs est plus faible que chez les dames. Ah, bon? Et pourriez-vous docteur m'expliquer la cause de tel injustice pour que l'on puisse penser à manifester? Apparemment, simple question de morphologie, car la femme, contrairement aux hommes, a un « petit urètre » donc plus susceptible à l'invasion des méchantes bactéries. Encore un privilège du sexe faible.

Quinze ans de vie commune! Quand je pense à tout ce qu'on a vécu ensemble. Une fois j'ai été obligée de rester pendant trois heures dans les toilettes. Je n'avais pas de médocs, j'étais au bord de la mer, au Brésil, tu vois le genre? Paradise is here. . Sauf que in the paradise there was no pharmacy. Logique. J'ai été obligée de fumer un joint pour me calmer. Et je suis restée là, assise, a discuter avec quelques amis fidèles restés auprès de moi. Surréaliste mais vrai. Une autre fois, avec mon amoureux, on annonçait à ses parents qu'on allait se marier. Cette fois-ci, ma cystite m'a fait un geste d'amour. Freud pourrait sans doute expliquer ça: au moment où on annonçait la nouvelle, plus les têtes se montrait choquées , plus ma cystite montait en puissance. Conclusion, j'ai dû quitter la table, j'ai pu m'échapper, jusqu'aux toilettes les plus proches avant de finir aux urgences. Sauvée.

J'ai encore changé de gynécologue. Dans ces moments là, je me sens un peu comme David Banner. A chaque fois qu'il se transforme en incroyable Hulk, il doit quitter l'endroit où il se trouve pour ne pas être découvert. Pareil pour moi. Enfin bon, à chaque fois que j'ai une crise de cystite et que mon gynéco n'arrive pas à la comprendre, je le quitte. Moi et ma cystite. Quinze ans quand même. C'est fou, non? 

NB: ce billet d’humeur est paru dans la rubrique Le Journal de Causette du magazine Causette numéro 8.

mardi 4 octobre 2011

Criolo, un brésilien




Criolo, un brésilien

J'ai souvent entendu des commentaires assez flatteurs concernant la musique et le swing brésilien.

Je n'avais pas alors totalement conscience de l'intérêt porté aux rythmes si variés et parfois méconnus du public brésilien. Plus d'une fois, des amis français m'ont fait découvrir des musiciens brésiliens dont j’ignorais complètement l'existence.

Comme il s'agit d'un vaste pays, on remarquera que chaque région porte sa propre musicalité. La créativité musicale du nord n'a rien à voir avec celle du sud et ainsi de suite. Il y a bien sûr les rythmes qui par leur richesse font presque l'unanimité. Je pense à la Samba, au Forró, à la Bossa-nova.

Une endroit comme São Paulo, avec ses 12 millions d'habitants, finit par rassembler toutes les influences et styles qu'on peut trouver du Caburaí au Chuí (les extrémités du Brésil). Cette ville tentaculaire qui a vu défiler tant d'artistes venant de tous les horizons est à nouveau fière d'avoir engendré un poète touché, enfin, par la grâce. 


Criolo, qui veut dire « métisse », est rappeur depuis 20 ans et a été éducateur pendant 12. Il a grandi dans un quartier pauvre du sud de SP, le Grajau. Exception à la règle, il fut élevé par une mère autodidacte, écrivain, philosophe, animée par l'amour de la connaissance.

Vivant et travaillant toujours là bas, le musicien est devenu une sorte de témoin du microcosme où il évolue. Le décalage existant entre son entourage bienveillant et la dureté du dehors est palpable et c'est peut être l'un des éléments qui rend son travail si important. Comme une thèse urbaine et musicale sur les inégalités de son monde (de notre monde).

Sa musique est à son image. Élégante, métisse, chargée d'une verve sur ce paysage si complexe et déterministe.

Je vous laisse juger par vous mêmes. 
http://www.criolo.net/



lundi 3 octobre 2011

La Dame Peur



La dame Peur

Dans l'immeuble où j'habite, il y a depuis quelques mois une vague de cambriolages. Immeuble d'ailleurs peuplé dans sa majorité par des retraités. On les imagine aisés, on les sent un peu méfiants. On se dit qu'il est trop tôt pour les classifier (de manière assez binaire, je l'accorde) comme étant des types cools ou des types pas cools. On essaye de passer l'éponge à l'accueil qui nous a été réservé, on s'est un peu laissé emporter, les deux camps étant fautifs, on a repris à zéro. Je ne blague plus avec les miens en disant qu'ils votent Front National. ça non, c'est du passé.

Quand j'ai donc découvert que les cambriolages se multipliaient j'ai mis sur le compte des grandes vacances, car la vie est belle dans cet immeuble, on peut encore partir pendant les vacances. Mais bon, la rentrée est déjà derrière nous, mais pas les cambriolages.

Et depuis j'apprends beaucoup sur la nature humaine. Les consignes sont donc de rester vigilant, de bien fermer les portes et de communiquer à la gendarmerie si on constate quelque chose d'étrange. Je ne vous apprends rien, la peur, en trouvant un terrain fertile, s'installe et s'épanouit abondamment. Car depuis je chasse les signes. Ainsi, quand je croise dans l'ascenseur un homme que je ne connais pas, je ne suis plus la même. Je suis tendue, mes salutations ne sont pas comme d'habitude, bref, j'envoie des ondes pas très sympathiques. Shame on me.

J'essaie de comprendre comment cela a pu m'arriver. Moi qui étais blindée, immunisée, verrouillée à ce type de sentiment. Inconséquente sans doute, mais légère comme une barbe à papa.

Pourquoi donc maintenant?
Est- ce dû au fait que ma fille grandit et devient à son tour une entité libre qui va et vient?
Est-ce le prix à payer pour avoir eu autant d'insouciance?
Est-ce parce que maintenant j'ai grandi?
Oh là là, il va falloir faire face et essayer de comprendre d'où ça vient et pourquoi. Tout un programme. Je pourrais bien l'intituler: « Comment je suis devenue conne ».

Mais quel retournement des choses, non? Moi qui exècre la méfiance gratuite deviens une parano de première. J'ai presque envie de remercier ces sacrés cambrioleurs, qui m'ont fait comprendre que je ne suis plus comme la barbe à papa. Essayer de maîtriser la peur peut s'avérer aussi un exercice de résistance, non?! On dit non au préjugés faciles, on dit non à l'attaque comme moyen de défense, et on essaye de ne pas porter les lunettes de la raison, car la peur peut rendre grave myope. J'y vais alors, car visiblement j'ai du boulot!

samedi 1 octobre 2011

Allan Kardec

 
Notre héros donc, s'appelait Allan Kardec, pseudonyme du pédagogue lyonnais Hippolyte Léon Denizard Rivail. Le pédagogue incarnait l'intellectualité de son époque; il chérissait le positivisme, la laïcité, le progrès et l'esprit scientifique. La bourgeoisie dont il faisait partie était fascinée par une nouvelle mode: la tentative d'établir une communication avec les esprits. Victor Hugo reste l'exemple le plus célèbre de tous ceux qui essayaient inlassablement d'établir un contact avec un parent, un amant, un enfant disparu. Kardec, intrigué par cette tendance, décide alors d'enquêter sur la possibilité d'une communication entre les vivants et les désincarnés. Immunisé contre tout charlatanisme et investi d'une solide vertu scientifique, il mène sa quête vers certains phénomènes d'ordre métaphysique. C'est là où tout bascule car il affirmera après un certain temps pouvoir communiquer avec les esprits et décidera d'écrire sur les informations livrées par ces derniers. Le kardecisme (où spiritisme) voit le jour avec la parution du « Livre des Esprits ». Écrit par Kardec en 1857, l'ouvrage a depuis été vendu à plus de 22 millions d'exemplaires seulement au Brésil. Mais pourquoi le Brésil est-il si bon client vis-à-vis d'une doctrine née de l'autre coté de l'Atlantique?
 
Comme nous le savons, le Brésil était habité depuis des siècles par des indigènes, on estime qu'ils étaient plus de 5 millions avant l'arrivée des colonisateurs européens. Ces peuples croyaient profondément aux forces de la nature et aux esprits des ancêtres. Après la colonisation par les portugais, le pays sombre dans l' esclavagisme. Cela durera quatre longs siècles. Mais les esclaves venus du continent africain réussiront à garder, malgré l'interdiction de l'église catholique, leur propres croyances basées elles aussi sur le contact direct avec les morts. Le pays était donc un terrain propice aux croyances liées à la réincarnation et à la communication avec les non-vivants. Quand, au début du XXe siècle, l'élite brésilienne (qui étudiait en grande majorité en France) emmène dans ses valises le « Livre des Esprits » d'Allen Kardec, ça fait un véritable carton. La communication avec les morts ne constituait ni une vrai nouveauté, ni une extravagance. Par la suite, un nouveau personnage (cette foi-ci un brésilien) intervient dans notre histoire. Il s'appelait Chico Xavier, et il vient au monde quelques années après la parution de ladit livre. Encore gamin, Xavier s'aperçoit qu'il a de supers pouvoirs. Il peut échanger (à l'instar de Kardec) avec les esprits. Néanmoins, ce n'est pas facile d'avoir des pouvoirs, surtout quand on n'est ni un bourgeois, ni un intellectuel. D'origine très modeste, il lit et écrit à peine. En revanche, le jeune homme a un don inouï: la psycographie, c'est-à-dire la capacité de retranscription par un médium de ce que dictent les esprits. Chico Xavier trouve alors dans l'œuvre de Kardec toutes les réponses aux questions qui le taraudent. Une fois éclairé par la bibliographie kardeciste, il décide de prendre en main sa destinée et consacre sa (longue) vie à la charité et à l'écriture d'empreinte spiritiste.
 
Ainsi, sa trajectoire sera marquée de faits (et chiffres) extraordinaires. Xavier, grâce à la dicté des esprits, a publié 412 livres. Le plus grand best-seller de l'histoire éditoriale brésilienne a été écrit par lui. « Nosso Lar, » en effet, a été vendu a plus de 1.277.000 exemplaires, et il en est actuellement à sa 61eme édition.
Ah, j'allais oublier, il a également été nommé au Nobel de la Paix en 1980...
 
Surprenant? C'est le moins que l'on puisse dire.
 
Incontestablement, le spiritisme au Brésil est un sujet des plus sérieux, populaire et ... rentable.

Prenons encore le septième art comme exemple. L'année 2010 a marqué un changement de cap pour le cinéma brésilien. Encore une fois, Chico Xavier (huit ans après sa disparition) va jouer le rôle du Roi Midas. Le biopic basé sur sa vie, produit par Rede Globo, la chaîne la plus puissante de l'Amérique Latine, sera regardé par 2,7 millions de spectateurs en un mois. Quelques mois plus tard, sans doute motivé par ce succès fulgurant, un autre film d'empreinte spirite sera également produit et celui ci explosera à nouveau le box- office. C'est l'adaptation du best-seller de Xavier, « Nosso Lar ». Aujourd'hui les mêmes producteurs de « Chico Xavier, le film » évoquent l'hypothèse de réaliser cette fois un biopic sur la vie de Kardec.
 
Quant aux livres (psycographés par d'autres médiums), depuis des années ce sont les livres de non-fiction les plus vendus. Le Brésil comptabilise à ce jour une vingtaine de maison d'éditions spirites, et pour en finir avec les chiffres, sachez enfin que plus de 14 mille centres de spiritisme existent au Brésil!
 
Sacré Kardec! S'il savait que sa doctrine allait avoir tant de succès dans ce grand pays lointain...

PS : Le tombeau le plus visité et le mieux entretenu du Père Lachaise à Paris est celui d'Allan Kardec.





Les Héritiers



Il y a quelques mois, j'ai essayé de proposer un reportage dont le sujet me paraissait peu ordinaire. J'étais convaincue qu'en écrivant là dessus, j'aurais l'occasion d'évoquer l’enchantement dont fait occasionnellement preuve le pays où je suis née. Je ne sentais aucun élan de patriotisme, mais la tentation de raconter des choses croustillantes sur le Brésil, mon pays. J'ai dû être une piètre négociatrice car le sujet en question n'a pas séduit mes cibles, et j'ai, à contre cœur, archivé le projet.

Je me suis même dit que finalement, ce sujet n'était peut être pas si intéressant et qu'il y avait sans doute d'autres choses bien plus intéressantes à raconter aux gens de bonne volonté.

Mais, et il y a souvent un mais, j'ai changé d'avis et de fil en aiguille nous y voilà.

Néanmoins, une petite introduction s'impose. Quand je suis arrivée en France, après de longs mois de rêverie et d'attente, je me suis sentie enfin chez moi. Je répétait inlassablement la même chose à tout ceux qui me demandait pourquoi j'avais choisi la France, alors que le monde est si vaste. J’affirmais donc avec beaucoup d'aplomb que Paris était une sorte de paradis spirituel de mon existence. Une phrase certes un peu pompeuse mais qui décrivait bien mes sentiments. Et pour bien souligner la chose, j'ai développé un certain rejet de mon propre pays.

Je le voyais, comment dirais-je, comme une erreur de scénario. Au fil des années, je me suis rendue compte que j'étais moi aussi, sensible aux charmes multiples de ce pays continent (expression qui m'a toujours fait rire, allez savoir pourquoi).

Alors, si je devait décrire ce qui me plaît chez moi, je commencerait par ça...

Il était une fois un immense pays. Tellement grand et fertile, qu'il attirait toutes les convoitises. Ce pays était très jeune, et tout était à apprendre. Les élites avaient comme inspiration majeure la mère Europe. L'amérique voyait le jour, sous le joug du Vieux Monde. 

Durant quatre siècles le Brésil a été esclavagiste. L'ADN de la culture brésilienne est composée d'un bout d'Afrique, d'un bout d'Europe et bien sûr de nos doyens indiens, qui étaient là-bas bien avant que le portugais Pedro Alvares Cabral déclare la découverte du Brésil le 22 avril 1500. Inutile de dire qu' avec un héritage pareil, nous sommes un peuple assez particulier. Si le Brésil était un livre, il pourrait être classifié dans le genre réalisme fantastique. La pensée cartésienne existe bien entendu, mais...il y a toujours un mais.

Et voici pourquoi, la religiosité brésilienne peut paraître aux yeux de l'étranger mal avisé, un peu farfelue. Avec tant de transmission, notre imaginaire spirituel est à l’image d'un mosaïque colorée, dont les fragments possèdent chacun son histoire. Et dans ce syncrétisme religieux, on trouvera l'empreinte française. Car, ici même, l'un des enfants de ce cher pays, un cartésien pur et dur (qui est resté pratiquement méconnu de ses compatriotes), est devenu une vrai rock star au Brésil. Le fondateur d'une doctrine qui réuni dans mon pays plus de 20 millions d'adeptes.

A suivre...