La presse féminine
mériterait d'être analysée (non seulement par des sociologues mais
aussi par chaque citoyen) plus attentivement. Il me semble que l'on
pourrait déceler pas mal de névroses féminines et masculines.
Voici la question
que je me pose: pourquoi, malgré notre lucidité et notre
expérience, nous laissons nous embobiner par des titres comme « Les
nouvelles crèmes ont réponse à tout » ; « Les
secrets des filles qui ne font pas leur âge » ou
encore : « Une peu lisse, fraîche et repulpée sans
Botox » ?
Depuis quand rester jeune (et donc puissante) est devenue une
obsession collective ?
Théoriquement, la
femme réfléchie (ou qui a un cerveau) se moque de ce genre de
mentalité et du style de vie imposé par le marché. Mais, en
pratique, on voit des femmes (fortunées ou pas) qui dépensent
d'énormes sommes d'argent en crèmes et en soins de plus en plus
sophistiqués. Et à grande vitesse, le marché semble s'approprier
l'idée selon laquelle vieillir est dégradant et qu'il faut donc
rester jeune à jamais.
Quand j'étais petite, mon imaginaire
répondait au concept de vieillesse par l' image d'une dame âgée,
aux cheveux blancs et l'air gentille. Grosso modo, je pensais à ma
grand-mère. Aujourd'hui, mon imaginaire fonctionnerait-il de la même
manière ? Je commence sincèrement à en douter, car il est de
plus en plus travaillé (ou bombardé) par cette société qui a
déterminé que la jeunesse est synonyme de pouvoir et où toutes les
possibilités sont envisageables, alors que la vieillesse renvoie à
l'invisibilité et à la dégradation.
Il faut donc adopter
une stratégie (quitte à devenir un mutant pathétique) pour stopper
les signes des années qui passent.
Ne pourrait-on pas
soigner naturellement le corps et l'esprit ? Le corps avec une
alimentation adéquate associée à l'activité physique et l'esprit
en aillant une vie intérieure très riche ? Qu'est-ce qui nous
effraye au juste ? Ne plus attirer les regards ? Perdre son
pouvoir de séduction ? Ne plus être aimé(e)s ?
Ah, la Dame Peur,
toujours à l’affût. Le sentiment qui nous rend tous égaux.
Sauf qu'il y a quelque chose qui cloche dans cette théorie. Car une
femme mûre, qui a plus de vécu, d'expérience et une meilleure
connaissance d'elle-même, est plus séduisante et charmante qu'une
minette de 18 ans. Socrate nous a expliqué, il y a fort longtemps,
que le «Connais-toi toi-même » était la bonne clef. La seule
que nous possédons.
Pourquoi donc essayons-nous de nous
immortaliser, alors que nous savons d’emblée que tout fane et
meurt un jour ou l'autre ?
Ce n'est pas
morbide, c'est simplement la condition première de l'existence :
pour vivre il faudra mourir. Et avant cela, vieillir (dans le
meilleur des cas).
Si je parle de la
presse féminine française c'est parce qu'il y a sept ans, en
arrivant en France, je découvrais avec bonheur une posture féminine
que j’imaginais jusqu'alors inconcevable. Dans mon pays existe,
c'est bien connu, une culture du corps absolue. On se transforme tout
au long de sa vie, jusqu'à en perdre raison. Difficile de trouver
une femme qui n'a pas subi une intervention chirurgicale, car même
les plus pauvres ont la possibilité de le faire en payant à crédit.
En France, je ne sentais pas la même pression. Je me disais que
c'était sacrément élégant de vivre sa féminité comme ça, sans
se faire violence, avec une certaine grâce. Hélas, au fil des
années j'ai fini par voir que ce n'était pas tout à fait la
réalité. Je remarque, et ce même parmi des filles très
intelligentes et cultivées, qu'il existe cette pression et cette
peur bleue de vieillir. Alors que nous savons pertinemment que la vie
s’appuie sur le concept de l’impermanence !
Tout change,
tout bouge, tout évolue. Rien n'est statique. L’univers, nous le
savons, n'est pas immuable, il est au contraire en expansion.
Permettons nous de l'être aussi.
Et peut être un
jour nous nous affranchirons de cette peur et de ce genre d'article
si arriéré.
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