Hier, en attendantle débarquement d'un vol, j'ai aperçu Victoria Winter. Ou celle quipourrait incarner magistralement le personnage du « SystèmeVictoria », le livre d'Eric Reinhardt. Je me suis dit « cool,ce n'est pas tous les jours qu'on a l'occasion de croiser despersonnages de livres! »
C'est ainsi, qu'enattendant ledit vol (visiblement en retard) je me suis prêtée aujeu. J'ai scruté impudiquement tous ces visages croisés dans lemonde parallèle qu'est l'aéroport.
Au départ j'aiessayé bien sûr de me comporter normalement en lisant la presse.Hélas, la lecture d'un canard sur la Crise & Ses ConséquencesNéfastes m'a très vite déprimée. J'ai donc fait ce que l'Hommefait de mieux (en tout cas cela devrait être le cas), je me suismise à jouer.
Cela consistait àattribuer à chaque tête scrutée un personnage littéraire quim'avait marquée. Il me semble que dans n'importe quel aéroport onpeut croiser une large palette d'human beings! Parfait pour ce genrede délire ludique. Les vols qui ont précédés celui quej'attendais venaient de Russie, du Japon, et de l'Inde. Vous imaginezla multitude de visages, styles, histoires vécues?
Victoria Winterfaisait-elle partie du vol russe ? J'imaginais qu'une femmepareille n'allait pas tout simplement prendre un taxi. Elle avaitsans doute un chauffeur qui l'attendait quelque part. Le plusincongru, c'est qu'elle aurait pu être assise aux côtés d'EdouardLimonov, car lui aussi y était. J'ai pu constater qu'il avaittoujours cette allure décrite par Emmanuel Carrère, beau visage etattitude un peu underground. Fidèle au mythe.
Finalement madémarche était un peu « Shreckquienne » : mélanger deux personnages issus d' histoires différentes et les faireévoluer dans un même scénario. J'ai adoré les imaginer ayant uneconversation. Forcément passionnante. Victoria, femme de pouvoir,libérale, business woman, sexuelle et brillante, Edouard...foufurieux aux plusieurs vies, délinquant, ouvrier, poète, majordome,vagabond, intello, homme politique...Je crois que ces deux làauraient pu s’entre tuer, où s'aimer énormément!
Il y a eu aussi,parmi les passagers du vol japonais, un dandy brésilien du XIX ème.Alberto Santos Dumont, l'un des pionniers de l'aviation, lui même unmélange de Marcel Proust et de Gatsby. J'ai également aperçu desmessieurs qui m'ont fait penser à des alpinistes, barbus, beaux,dignes, athlétiques, comme mon mec d'ailleurs. Allure autrichienne,attitude à la Sylvain Tesson, des grands voyageurs quoi.
Parmi cette faunehumaine, il y avait évidemment ceux qui ne ressemblaient à aucunpersonnage littéraire, mais qui à eux seul donnaient envie deprendre la plume. C'était un défilé permanent de gens bienhabillés, mal habillés, drôlement habillés, presque pas habillésdu tout...il y en avait qui portaient des coupes de cheveuxinvraisemblables, puis des dames très chiques qui m'ont fait penserà des androïdes. J'ai assisté à des rencontres touchantes etd'autres maladroites. J'ai encore une fois adoré les japonais et puvérifier que les femmes indiennes avaient été bénies par ladéesse Shiva au niveau capillaire. En revanche la gent masculineindienne a une forte tendance à la calvitie. L'un des moment lesplus drôles et qui arrive à chaque fois, c'est le moment où le volbrésilien arrive et où l'on aperçoit tous ces passagers (françaisou pas) qui débarquent en tongs, chapeaux de paille et bronzaged'enfer, alors que dehors il fait 5 degrés.
Je me suis ditqu'il fallait revenir plus souvent, c'est tellement pratique en plus,je n'en ai que pour une heure et demi de trajet. Mais aurai-jerendez-vous à nouveau avec ce côté si loufoque de mon imaginaire? Ou serai-je en train de vivre une mauvaise période où absolumenttout devient insupportable? Finalement nous sommes tous dignes d'êtrede sacrés personnages, non?!