Ah, le football ! Etérnel sujet de conversation. Quand je pense que pendant longtemps la brésilienne que je suis restait de marbre face au sort de notre Seleção et de ses héros. Car, tous les dimanche soir, le foot s'invitait à la maison, avec les sempiternels matchs de championnat, les buts, les acrobaties des joueurs. Et l'enfant que j'étais ne pouvait pas s'empêcher de faire l'étrange association entre la fin du week-end, le football et le lundi - haï de tous.
Jusqu'au jour où une espèce de magie s'est operée en moi. Alors, pour la première fois, j'ai ressenti cet élan qui serre le cœur de chaque supporteur, qui nous donne la sensation d'être plus grands, plus nobles et plus forts. C'était pendant la coupe du monde 82, nous étions vus comme les prochains champions du monde. Nos prestations était si belles à voir. Surtout celle contre l'Argentine de Maradona. L'ambiance au Brésil était impossible à décrire. L'enthousiasme était palpable. Enfin... ça c'était jusqu'au moment où tous nos espoirs soient balayés par l'Italie. L'Italie qui pourtant, cette année là, n'avait aucune grâce, aucune poésie. C'était mon premier grand chagrin sportif (sans compter bien entendu l'accident qui à tué Ayrton Senna).
Au Brésil, essayer de comprendre la passion provoquée par le football est, elle aussi, une passion nationale. Un exercice de style. Des poètes, des musiciens, des spécialistes, des artistes se sont aventurés sur ce terrain. On raconte l'amour que l'on ressent quand il est question de la Coupe du Monde et que pour la enième fois la Seleçao est perçue comme favorite. On raconte que cette fois-ci (oh, là, là) on a un bon technicien, on maitrise la situation, nous avons les meilleurs joueurs, le plus beau style du monde, le swing, la gouaille et puis Dieu est brésilien, c'est connu.
C'est certes grotesque, mais aussi touchant de voir à quel point on essaye de se rassurer, car pour une fois, nous sommes vraiment fiers d'être brésiliens. Nous qui avons dans notre ADN l'amour propre si petit et le syndrome du pays de l'avenir (« le jour viendra où nous serons enfin une grande nation »), nous qui comptabilisons les plus grands craques de l'histoire du football : Heleno de Freitas, Garrincha, Pelé, Tostao, Zico, Socrates, Rai, Ronaldo(s)... la liste est longue.
Au fil des années, des coupes du mondes, des matchs arrosés à la bière et des churrascos, j'ai compris l'évidence, celle qui saute vraiment aux yeux. Il ne s'agit pas de football, ni de ballon, ni de technique. Il s'agit d'être bon dans un domaine, plus que ça même... d'être BEAU. Le football brésilien se prend quelque part pour une sorte d'illuminé chargé d'apporter un peu de beauté dans ce vaste monde. La beauté du geste, de la passe, de la fidelité des supporteurs, des matchs légendaires qui sont racontés de génération en génération. La mythologie du football a été crée pour nous rendre moins misérables, plus honorables. Voilà de quoi est fait (entre autres choses mois gracieuses) le football brésilien. Et si je me laisse emporter comme ça, c'est simplement parce que je suis une supportrice brésilienne lambda ! Ça fait aussi partie de notre ADN.